samedi 13 août 2011

Homélie du 20e dimanche A : Etre 'jusqu'auboutiste'!

Bien chers frères et sœurs,

Notre monde est aujourd’hui encore témoin des divisions de tous genres qui enveniment, pour ainsi dire, le vivre ensemble.  Certaines valeurs comme la fraternité, la cordialité, l’accueil de l’autre dans sa différence et même l’hospitalité  commencent à s’éclipser, laissant place à l’indifférence, à l’individualisme, à la fameuse autonomie personnelle.  L’hospitalité, définie comme ce qui permet à des individus de faire société, est une question tout à la fois d’actualité et très ancienne. Devoir sacré envers l’étranger, l’hospitalité évoque aussi une loi universelle cependant bafouée, sur laquelle il serait possible de s’appuyer face à la fermeture des frontières nationale et sociale, ce qui a engendré le phénomène d’intégration et d’exclusion. Jadis obligation et nécessité sociale, l’hospitalité est aujourd’hui objet de marchandage dont le nouveau nom est le tourisme. 

Cette réalité très ancienne se vit également à l’époque de Jésus.  En effet, pour un Juif de son époque les contacts avec les étrangers sont à éviter parce qu'ils rendent "impurs".  Mais voilà que Jésus, qui d’ailleurs voulait se retirer après avoir abattu un travail apostolique intense, se retrouve en face d’une étrangère, et donc d’une païenne.  Grave encore,  c'est une femme et, à l'époque de Jésus, on ne peut parler à une femme dans un lieu public.  Cette Cananéenne, sans se gêner, aborde Jésus, faisant fi de la loi à cause du grand amour qu’elle avait pour sa fille.  

« Ventre affamé n’a point d’oreilles », dit-on. Quand on est dépassé par les épreuves de la vie, c’est le moment propice de pouvoir faire exploser notre  foi en Jésus ; c’est une aubaine qui s’offre de pouvoir rallumer la petite flamme de notre foi chancelante ; une occasion pour nous de dépasser les frontières de nos limites, les yeux fixés sur Jésus-Christ, source de notre guérison et de notre salut. Cela nécessite parfois des sacrifices : pour le cas de la Cananéenne, elle a dû se déplacer, traverser les murs de séparations traditionnelles.  Tout ce qui la mobilise, c’est l’amour de sa fille.

Ironie du sort, Celui vers qui la Cananéenne s’élance à cœur perdu semble la mépriser, tout simplement parce qu’elle est étrangère ! Mais elle ne se laisse pas décourager par ce silence de Jésus.  Elle criera jusqu’à ce que les disciples de Jésus l’interpellent : « Elle nous poursuit de ses cris ! ».  Mais Jésus reste formel dans sa position car il n'a été envoyé que pour les brebis perdues d'Israël.  En plus, « il n’est pas bien de prendre le pain des enfants pour le donner aux chiens » ! Pour quelqu’un qui tient à sa dignité et se prend trop au sérieux, quelle injure ! Cela suffirait pour prendre congé de Jésus. Mais cette Cananéenne n’est pas n’importe qui !   Elle est une « jusqu’au-boutiste ! », elle ira jusqu’au bout et finira par arracher  le miracle! 

Un appel à la persévérance (Col 4,2), à vaincre notre timidité, notre torpeur face au salut que le Christ nous propose. Jésus-Christ est venu pour que nous ayons la vie et que nous l’ayons en abondance (Jn 10, 10).  Et le pain de Dieu est destiné à tous, sans exception de race, langue, peuple et nation.  Il nous suffit de demander : « Demandez, et il vous sera donné ... car quiconque demande, reçoit ... Si donc vous, qui êtes méchants, vous savez donner à vos enfants des choses bonnes, combien plus votre Père qui est dans les cieux donnera-t-il de bonnes choses à ceux qui les lui demandent!» selon (Mt 7, 7-11).

En définitive, la rencontre de Jésus-Christ avec la femme cananéenne nous invite à nous laisser toucher et transformer par l’autre.  Cela n’est possible que quand nous laissons l’amour envahir notre espace vital.  Offrir l’hospitalité c’est en priorité une  écoute. Et écouter, ce n’est pas rester muet devant l’autre, mais ouvrir  un espace pour accueillir sa parole, se rendre réceptif à ce que sa parole peut avoir d’inattendu et de dérangeant. Cette disposition  est requise quel que soit l’hôte, humain ou de Dieu. L’écoute précède la parole. « Qui veut être écouté de Dieu…,  écrit  Augustin, qu’il commence par écouter Dieu ». La rencontre de l’autre peut profondément changer notre vie.  Seigneur Jésus-Christ, Toi qui t’es révélé à la fraction du pain, fais que toutes nos rencontres révèlent ta présence. 

Sébastien Bangandu

1 commentaire:

Soso Pembe a dit…

Merci, Séba. L'hospitalité est un véritable défi aujourd'hui plus que jamais, surtout quand l'hôte devient hostile. Il faut dès lors étudier d'avance les conditions de possibilité d'une hospitalité digne de ce nom.