samedi 30 juillet 2011

Homélie du 18e dimanche A : Plaidoyer pour la gratuité

Bien chers frères et sœurs
On entend souvent dire que les choses gratuites n'ont pas de valeur.  Et plusieurs d'entre nous sont devenus allergiques à tout ce qui est "gratuit".  C'est peut-être avec raison qu'un confrère nous disait souvent qu’ « il n’y a pas de dîner gratuit », car il y a toujours quelqu’un qui paye ! Nous vivons dans un monde où tout ou presque tout est objet de marchandage. En effet, comme l'affirme J-L Sagot Duvauroux, l’argent a déjà crée une distance formidable entre les choses et nous, à tel enseigne que si on n’en a pas, ou qu'on en a peu, on est presque privé de tout.  Nous partageons tous une expérience paradoxale dans ce monde où l’argent semble tout submerger.  La gratuité est aujourd’hui fragilisée dans sa possibilité même, dès lors que tout s’achète à prix d’argent.

Pourtant, l’on constate en même temps qu’il y a comme une surenchère du marché de la gratuité, alors qu’en réalité elle n’est nulle part. Le boniment publicitaire fait mouche dans l'arène du « gratuit ». Profanée par le marketing qui l’enrôle pour stimuler la demande, la gratuité a, en réalité, quasiment disparu de l’espace humain.  On est presque troublés par l’obnubilation marchande et l’inflation marketing du mot « gratuit ».  Malgré ses évolutions ravageuses, la gratuité existe et constitue un fil d’Ariane précieux qui nous permet de revisiter les voies de la transformation sociale.  

Nous sommes donc appelés à réinventer la gratuité du fait qu’elle est une denrée nécessaire qui enrichi la condition humaine. En effet,  la gratuité brise l’indépendance usurpée par les choses; en même temps qu’elle confond les calculs qui empêchent la rencontre entre les êtres humains.   Car dès que tout devient objet de calcul et de marchandage, la vie en société perd peu à peu de sa consistance, ce qui entraîne très souvent la dégradation même des relations humaines.  De ce point de vue, la gratuité est l’inverse du marché qui se présente aujourd’hui, de façon si pesante, comme l’horizon du projet humain, parce que très souvent elle provoque, là où elle se déploie, une sympathie presque générale. De plus, la permanence d’espaces de gratuité dans l’univers humain relativise davantage la toute-puissance de l’argent et donc du capitalisme renaissant. 

La première lecture de ce dimanche fait l’éloge de la gratuité du don de Dieu. En effet, Dieu donne et se donne gratuitement à nous.  C’est un Dieu philanthrope,  ami des humains, qui prend l’initiative de se révéler à eux et qui les invite à se laisser aimer et libérer, dans une relation d’alliance fondée sur la gratuité.  Et la gratuité de Dieu est si immense que le soleil, les pluies, le beau temps qu’il nous procure échappent aux lois du marché et ne font pas acception des comptes en banque.  Les bontés du bon Dieu sont gratuites !

Notre église est une institution humaine qui œuvre dans une société bâtie sur le commerce plus que sur le service ; et c'est au cœur même de cette société qu'elle doit faire germer le Royaume de la gratuité. Jésus n’avait-il pas dit : «Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement !» (Mt 10.8).  Ou encore, «Disposes-tu d’un quelconque bien que tu n’ais pas reçu ? » (1 Co 4.7). Aller à la rencontre des autres en nous défaisant de toute avidité, de tout esprit de profit, c’est contester le monde ambiant qui privilégie les intérêts au détriment du service, de la gratuité. 

Si Dieu nous a confiés l’intendance de l’univers, dans la poursuite de la création, c’est pour que nous puissions découvrir la gratuité de l’amour qui nous a été témoigné et dont rien ne pourra nous séparer.   Si nous aimons Dieu de tout notre cœur, alors notre générosité peut se prolonger jusque dans les moments d’indigence, quand nous n’avons que très peu ou presque rien pour être en mesure de partager avec d’autres. « D’où prendrai-je de la viande pour donner à tout ce peuple ? » (Nb 11,13) dit Moïse au Seigneur quand les Hébreux réclament de la viande dans le désert. Les disciples du Christ l’avaient aussi expérimenté et se sont vus renvoyés à leur propre responsabilité : « Donnez-leur vous-mêmes à manger ».  En leur disant cela, Jésus nous invite tous à avoir assez de foi pour savoir à quel Dieu nous avons affaire (Mc 8, 17-21).

La main de Dieu se déploie sans cesse dans nos vies. Il sait mieux que nous ce dont nous avons besoin et son grand plaisir c’est d’agir pour notre bien. Si vraiment nous croyons nous verrons tous les évènements de la vie à la lumière de l’amour du Christ. Même nos difficultés, nos souffrances prendront alors un autre sens : elles deviendront signes de l’amour de Dieu agissant dans notre vie.   

Accueillons-le qui se donne à nous gratuitement à travers son corps et son sang, afin de devenir, comme lui don pour nos frères et sœurs qui ont faim et soif de Lui. Si Dieu est bon, pourquoi n’est pas l’être aussi ?

Sébastien Bangandu

3 commentaires:

Papy Lebo a dit…

Merci mon père de nous avoir invité à être généreux. Prions l'Esprit-Saint pour qu'il nous donne le courage de la gratuité et du zèle pour le service des autres

Soso Pembe a dit…

Aujourd'hui tout se vend et tout s'achète. Nous sommes victimes de l'ère du temps. Merci pour ce rappel au sens de la gratuité. Merci aussi pour le travail apostolique à Québec

Adrien a dit…

Etre généreux, je veux bien, mais quand je suis moi-même dans le besoin, ça devient compliqué. Seul Dieu peut nous donner d'être vraiment généreux. Merci