Bien chers frères et sœurs,
‘Dialogue mystérieux’, voilà ce qu’on
peut dire du texte de l'évangile d’aujourd'hui ! En fait, la conversation
entre Jésus et Pilate est un véritable chassé-croisé de questions et réponses,
de malentendus sur les mots, comme cela arrive souvent dans nos dialogues
quotidiens. Jésus et Pilate ne peuvent plus s'entendre, il est trop tard !
On le sent à travers les questions et réponses de nos deux interlocuteurs. Dans
cet échange de mots, Jésus se fait le défenseur d’un règne fragile, alors que
Pilate, lui, se bat pour décéler la vérité dans les propos de ce curieux personnage.
« Es-tu
le roi des Juif ? » Cette question, Pilate n’était pas le premier à
la lui poser. Les foules et même ses propres disciples sentaient qu’il y avait
quelque chose de royal en Jésus, quelque chose de grand, de noble qui
intriguait tous ceux et celles qui le rencontraient. Mais comment se fier à un
pouvoir ou à une royauté qui se refuse d’appartenir à ce monde ? Décidemment,
cette déclaration de Jésus, tout en ouvrant des perspectives insoupçonnées, ne
pouvait qu’accentuer davantage le mystère autour de sa personne.
Mystérieux,
Jésus l’est aussi dans la mesure où il inaugure l’avènement d’un autre monde, différent
de celui que nous connaissons, où sa royauté trouverait son plein déploiement.
Cette vision est en même temps une révélation de la destinée de tout humain.
Elle recèle une nouvelle dimension de l’existence humaine, laquelle permet à
chacun de vivre, dans ce monde qui passe, dans la pleine liberté des enfants de
Dieu. Mais comment décrire, en termes de domination et de puissance, un royaume
où régner signifie en même temps faire grandir, servir et témoigner de la
vérité ?
Mais
si le mystère persiste autour de la
personne de Jésus, il nous faut peut-être chercher à le comprendre à partir de
sa mission au monde et du message qu’il y apporte. Il est vrai que la
symbolique du Royaume, dont Jésus se sert dans son enseignement, est par
excellence un terme à connotation politique. Il faut noter toutefois que le
message de Jésus n’est pas un programme politique, du fait que ni ses paroles
ni ses gestes ne participent d’une stratégie de prise de pouvoir ou d’un projet
gouvernemental.
Le
message de Jésus est fondamentalement un témoignage rendu à la vérité. D’où le
rebondissement sans réponse assurée : « Qu’est-ce que la
vérité ? » Pour Jésus, la vérité indique qu’aucun pouvoir, s’il veut
être vrai et juste, ne peut se construire sur les mensonges. Ceci veut dire
qu’une société humaine ne tient qu’en fonction d’une idéologie qui la tient, la
maintient et la façonne. Mais cette idéologie elle-même, pour être respectée et
respectable, se doit d’accepter de passer constamment au crible de la vérité.
Ainsi,
il appartient à toute société, à toute communauté digne de ce nom, d’avoir en
son sein des témoins de la vérité, c’est-à-dire des hommes et des femmes qui,
même dans leur faiblesse, se laissent éclairer par cette vérité, sans laquelle
ils ne sauraient vraiment émerger. Cependant, il importe de garder toujours à
l’esprit qu’on ne possède pas la vérité, mais qu’on en témoigne. C’est donc
être dans le vrai que de savoir s’effacer devant la vérité elle-même, de la
désigner du doigt, tel Jean Baptiste, tout en diminuant pour la laisser croitre
en nous et autour de nous. De ce point de vue, nous sommes des témoins d’une
réalité qui nous dépasse. Enfin, c’est en fonction d’un tel témoignage que des
gens peuvent reconnaître la vérité et, partant, y adhérer. Et cette
reconnaissance et cette adhésion ne peuvent être que le résultat d’un certain
cheminement dont l’horizon se trouve être l’homme Jésus, dont l’autorité se
manifeste dans sa fragilité assumée.
Sébastien Bangandu
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