Bien chers frères et soeurs,
Il
n’existe pas de société sans loi. Cette dernière est nécessaire du fait qu’elle assure une certaine régularité du vivre ensemble. Elle permet ainsi de
prévoir, d’organiser la vie malgré l’incertitude de l’avenir. Jésus n’est pas
contre la loi. Il récuse plutôt son application purement extérieure. Après la
controverse autour de son discours sur le pain de vie, le voici, une fois de plus, aux
prises avec les Pharisiens. Ces derniers, très observateurs des lois et des
traditions, viennent de remarquer quelque chose d’anormal chez ses disciples:
ils mangent sans se laver les mains ! Comment est-ce possible ?
En
fait, à une époque où Israël trouvait son salut dans l’observance des préceptes
divins, l’avènement de la civilisation hellénistique vient tout basculer. Avec
l’arrivée de la pensée multiple, la
Torah n’a plus droit de cité. Comme le constate Alain
Touraine, l’idée de modernité remplace au centre de la société Dieu par la
science, laissant au mieux les croyances religieuses à l'intérieur de la vie
privée. La pensée hellène jouit désormais d’une aura considérable et tend à
s’imposer partout comme ‘le’ mode de vie normal.
Dans ces
conditions, Israël devait davantage confirmer son identité. C’est alors que
naît le pharisaïsme, un mouvement qui s’affirme aussi bien dans l’invention que
dans l’imposition des lois à observer afin d’éviter toute impureté. Avec le
temps, ces traditions pharisiennes deviendront une véritable pierre
d’achoppement dans la nouvelle chrétienté. On sait comment Paul a eu du mal à
convaincre ses frères de race, et même son collègue Pierre, de se libérer des
traditions anciennes par la conversion au Christ.
Mais comment Jésus
se situe-t-il par rapport à ces nouvelles traditions ? A l’instar de tous prophètes
qui l’ont précédé, Jésus fustige l’invention de pratiques religieuses de
façade. Car celles-ci, en plus d’être superficielles vont même jusqu’à
supplanter les commandements de Dieu. Pour Jésus, la loi mérite d’être intériorisée
car c’est du dedans de l’humain que vient le mal, l’impureté. La souillure
n’est pas la résultante du contact avec des incrédules ou de la consommation
des aliments impurs: elle est cachée dans le cœur, au plus profond de notre
être où rôde le mal.
Et c’est de
l’intérieur que Dieu nous regarde. L’humain regarde l’extérieur, alors que
Dieu, lui, s’intéresse au cœur. Ainsi, être esclave de la loi c’est perdre sa
capacité de discerner, d’intérioriser ce qui est essentiel. On devient
tellement « loyal », et donc extérieur, qu’on ne voit plus le cœur
des choses. Or, il convient ici de rappeler que la plus grande de toutes les
lois, c’est l’amour. Quand l’amour est absent dans tout ce que l’on fait, on
tombe dans l’extravagance.
Immergés
aujourd’hui dans une civilisation des façades, nous situons notre foi dans un
univers abstrait qui surplombe notre existence sans l’animer véritablement. Le
Christ nous invite à revisiter notre vie intérieure, celle qui se déploie sous
le regard secret de Dieu. En d’autres termes, il nous incite à découvrir en
nous même cette source qui nous fera contempler, au quotidien, le visage de
Dieu. C’est aussi un appel à bâtir des liens amoureux et vivifiants entre
l’être personnel du croyant que nous sommes et l’être personnel de Dieu
(Maurice Zundel).
Sébastien
Bangandu
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