jeudi 30 août 2012

Homélie du 22e dimanche ordinaire B: Revisiter sa vie intérieure


Bien chers frères et soeurs,

Il n’existe pas de société sans loi. Cette dernière est nécessaire du fait qu’elle assure une certaine régularité du vivre ensemble. Elle permet ainsi de prévoir, d’organiser la vie malgré l’incertitude de l’avenir. Jésus n’est pas contre la loi. Il récuse plutôt son application purement extérieure. Après la controverse autour de son discours sur le pain de vie, le voici, une fois de plus, aux prises avec les Pharisiens. Ces derniers, très observateurs des lois et des traditions, viennent de remarquer quelque chose d’anormal chez ses disciples: ils mangent sans se laver les mains ! Comment est-ce possible ?

En fait, à une époque où Israël trouvait son salut dans l’observance des préceptes divins, l’avènement de la civilisation hellénistique vient tout basculer. Avec l’arrivée de la pensée multiple, la Torah n’a plus droit de cité. Comme le constate Alain Touraine, l’idée de modernité remplace au centre de la société Dieu par la science, laissant au mieux les croyances religieuses à l'intérieur de la vie privée. La pensée hellène jouit désormais d’une aura considérable et tend à s’imposer partout comme ‘le’ mode de vie normal.

Dans ces conditions, Israël devait davantage confirmer son identité. C’est alors que naît le pharisaïsme, un mouvement qui s’affirme aussi bien dans l’invention que dans l’imposition des lois à observer afin d’éviter toute impureté. Avec le temps, ces traditions pharisiennes deviendront une véritable pierre d’achoppement dans la nouvelle chrétienté. On sait comment Paul a eu du mal à convaincre ses frères de race, et même son collègue Pierre, de se libérer des traditions anciennes par la conversion au Christ.

Mais comment Jésus se situe-t-il par rapport à ces nouvelles traditions ? A l’instar de tous prophètes qui l’ont précédé, Jésus fustige l’invention de pratiques religieuses de façade. Car celles-ci, en plus d’être superficielles vont même jusqu’à supplanter les commandements de Dieu. Pour Jésus, la loi mérite d’être intériorisée car c’est du dedans de l’humain que vient le mal, l’impureté. La souillure n’est pas la résultante du contact avec des incrédules ou de la consommation des aliments impurs: elle est cachée dans le cœur, au plus profond de notre être où rôde le mal. 

Et c’est de l’intérieur que Dieu nous regarde. L’humain regarde l’extérieur, alors que Dieu, lui, s’intéresse au cœur. Ainsi, être esclave de la loi c’est perdre sa capacité de discerner, d’intérioriser ce qui est essentiel. On devient tellement « loyal », et donc extérieur, qu’on ne voit plus le cœur des choses. Or, il convient ici de rappeler que la plus grande de toutes les lois, c’est l’amour. Quand l’amour est absent dans tout ce que l’on fait, on tombe dans l’extravagance.

Immergés aujourd’hui dans une civilisation des façades, nous situons notre foi dans un univers abstrait qui surplombe notre existence sans l’animer véritablement. Le Christ nous invite à revisiter notre vie intérieure, celle qui se déploie sous le regard secret de Dieu. En d’autres termes, il nous incite à découvrir en nous même cette source qui nous fera contempler, au quotidien, le visage de Dieu. C’est aussi un appel à bâtir des liens amoureux et vivifiants entre l’être personnel du croyant que nous sommes et l’être personnel de Dieu (Maurice Zundel). 

Sébastien Bangandu

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