dimanche 20 novembre 2011

L'engagement au Montmartre, une manière de faire route ensemble

A l’occasion de la célébration de la naissance au ciel du P. Emmanuel D'ALZON, fondateur des Augustins de l'Assomption et des Oblates de l'Assomption, les Laïcs et religieux Assomptionnistes engagés dans la pastorale au Montmartre à Québec ont organisé une journée assomptionniste le samedi 19 novembre 2011, laquelle a connu la participation  d'une quarantaine de personnes autour du thème de la crise et de l’engagement. Ce texte est ma contribution à cet événement important de la vie de notre congrégation.

Introduction
Je suis très heureux et très honoré d’être invité à prendre la parole lors de cette journée assomptionniste. Le thème de mon intervention «L'engagement au Montmartre, une manière de faire route ensemble » élargit l’espace de notre tente, en nous tournant vers d’autres que nous. Je m’en réjouis, car c’est le signe que l’activité apostolique du Montmartre rejoint de plus en plus certaines de nos attentes dans la quête de sens et dans le but de faire advenir le Règne de Dieu et autour de nous. 

Dans sa conférence de cet avant-midi, le P. Marcel Poirier nous a faits faire un tour d’horizon des crises actuelles, qui rongent presque tous les domaines de la vie de notre société sécularisée. En effet, comme il l’a expliqué, la crise n’est pas seulement un moment difficile à traverser, c’est surtout un tournant de l’histoire de notre vie, de notre société où nous sommes appelés à faire des choix.

Par ailleurs, il arrive souvent qu’en cas de crise, on se questionne souvent sur « qui est la cause de la crise ? » Comment s’en libérer ? Quel en est l’antidote ?... Pierre Talec propose que pour recouvrer la sérénité devant une crise, il faut d’abord la regarder en face pour en définir les contours, ensuite l’affronter et finalement la dépasser[1].

Notons que la communauté des disciples avait traversé, à un moment terrible de la vie du Christ, une crise indescriptible : leur maître humilié est mis à mort, la communauté se disloque, tous les espoirs tombent à l’eau et c’était la débandade totale. Mais loin de céder au découragement, il leur fallût faire face. C’est avec le rayonnement de la première communauté chrétienne que tout reprend vie (Ac 2, 42- 47). Ainsi, pour nous Laïcs et religieux assomptionnistes, l’activité apostolique du Montmartre constitue en quelque sorte un effort continuel de juguler la crise qui ronge notre société.

Le Montmartre, faut-il le rappeler, est un Centre de Culture et foi dont la vocation est d’offrir aux pèlerins de l’Inconnu la possibilité de faire une expérience personnelle et communautaire du Christ. Ainsi, dans la diversité et la complémentarité des nombreuses formations proposées dans le cadre des réaménagements pastoraux dans l’Archidiocèse de Québec[2], le Montmartre, au service de l’Eglise et de la communauté chrétienne, a pour originalité de proposer un travail d’approfondissement de la foi chrétienne qui permet d’articuler intelligence de la foi, vie spirituelle et engagement dans la vie.

A travers les formations diverses, les conférences et débats, les partages et les différentes rencontres, le Montmartre entend favoriser l’émergence d’une vie humaine et chrétienne épanouie et enracinée davantage dans le Christ Jésus. Mon intervention comprendra quatre parties : la formation, la vie communautaire, le témoignage, les défis de l’identité chrétienne dans le monde d’aujourd’hui

1. La formation
Avant de les envoyer en mission, le Christ a pris le temps de former ses disciples en vue de la délicate mission qui les attendait. Il leur disait : « Le disciple n’est pas au-dessus de son maître, mais tout disciple bien formé sera comme son maître (Lc 6, 40). L’intelligence de la foi est une donnée essentielle de la formation chrétienne et en même temps le poumon de toute vie ecclésiale. Le Montmartre fait en sorte que la formation soit à la fois théorique et pratique, de façon à obtenir l’équilibre, la cohérence et l’unité de vie de la personne en quête de sens. 

Par ailleurs, devant les difficultés de croire aujourd'hui, identifiables à tant de signes, la formation au Montmartre, comme un peu partout ailleurs, ne va pas sans difficultés. Concrètement c’est l’absence des jeunes dont la vie spirituelle, surtout dans la société d’aujourd’hui, est structurée autrement. 

En effet, si dans le passé certains mouvements des jeunes, tels le scoutisme ou l’Action catholique, ont contribué à offrir des assises d’un être-ensemble ecclésial, les jeunes d’aujourd’hui ont souvent structuré leur vie spirituelle en dehors des communautés habituelles et surtout à l’occasion des temps forts, tels que les grands rassemblements ou les expériences des petits groupes. Aujourd’hui, leur spiritualité se nourrit essentiellement du festif et de l’extraordinaire. On comprend qu’ils ont besoin d’une structure de leur vie de foi et d’une intégration dans des communautés vivantes.

Mais le Montmartre n’est pas qu’un centre de formation, car, on le sait, la formation chrétienne à elle seule ne saurait être capable de contribuer au renouvellement ou à la naissance des communautés de foi qui offriraient un encrage et un ressourcement aux nombreuses personnes en quête de sens. Voilà pourquoi, le Montmartre privilégie, outre la formation, la rencontre et la convivialité qui ont l’avantage d’apporter de la chaleur humaine nécessaire au vivre-ensemble.

2. La vie communautaire
L’expérience communautaire est un terrain nourricier indispensable pour la formation spirituelle du croyant. Aujourd’hui il n’est pas facile, même pour des chrétiens engagés, de trouver des communautés de foi, capables de les porter, de les accompagner et de nourrir leur foi. Pour ceux et celles qui fréquentent le Montmartre, ils savent qu’en plus de la formation, ce centre est une véritable famille. Ils y rencontrent la charité chrétienne, pleine d'affection et de sympathie sincère que l’Assomption transmet.

En effet, dans une société devenue individualiste, les gens se croisent sans se connaitre, ou même prendre le temps de se parler. Le Montmartre offre à tous ceux et celles qui le veulent la possibilité de se retrouver, entre proches et anonymes, pour partager un bon moment et apprendre à se découvrir. La célébration de la vie au Montmartre s’articule autour du partage sous diverses formes. La participation est parfois libre, cependant tout le monde, dans la mesure de ses possibilités, est libre de venir et apporte ce qu'il veut partager avec les autres.

Qu’il s’agisse d’un « brunch », d’un « repas communautaire » ou d’un « 5 à 7 », l'heure est à la convivialité, l’ambiance est détendue et joviale. Elle offre aux personnes présentes l’occasion de se rencontrer, de briser la solitude, l’isolement et la monotonie du quotidien, de créer des liens et de resserrer ceux qui existent déjà et qui, à cause d'un rythme de vie trop chargé ou moins régulier, semblent se distendre.

Par ailleurs, elle instaure autour d'un café, d’un chocolat chaud ou même d’un repas un climat plus détendu où s’ouvrent parfois des dialogues utiles et futiles ; ou au contraire plus sérieux, et dénoue parfois dans la bonne humeur, des tensions, querelles ou conflits jusqu'ici non résolues. La célébration de la vie au Montmartre favorise également la cordialité et la solidarité dans la vie de la communauté chrétienne. Et elle permet également aux plus timides de prendre librement la parole, de nouer des relations facilement et donne parfois naissance à des nouvelles histoires et expériences.

3. Le témoignage
On le sait, le témoignage est un puissant vecteur du message évangélique. Bien plus, il est d’une puissance d’édification incroyable qui va au-delà des paroles. L’on se souviendra qu’il est à l’origine de l’expansion heureuse du message du salut proclamé par les Apôtres et incarné dans leur vie. Aussi, comme l’avait si bien dit Paul VI : « L’homme contemporain écoute plus volontiers les témoins que les maîtres ou s’il écoute les maîtres, c’est parce qu’ils sont des témoins »[3]

De ce point de vue, oser témoigner du Christ dans un monde de plus en plus sécularisé ou vivre cette audace au quotidien est demande beaucoup de courage, parce qu’on sent, et à juste titre, que le témoignage chrétien, au lieu de donner un horizon et un souffle nouveau à un monde sécularisé où l’absence de Dieu se fait plus pesante, semble aujourd’hui marginalisé dans l’espace moderne. 

En fait, l’évangélisation chrétienne peut revêtir bien des formes selon les époques et les milieux de son déploiement. Mais dans tous les cas, c'est une proposition et un témoignage qui laisse à l'autre sa libre souveraineté. L’expérience de la quête de Dieu au cours des derniers décennies, au Canada comme ailleurs,  a montré que nous sommes bien loin, désormais, du temps où la foi était reçue comme une évidence.  Aujourd’hui, il faut, du coup, une certaine force d'audace pour oser être chrétien et risquer une parole de croyant.  

C’est que pour témoigner de sa foi, il faut d’abord la vivre soi-même. Et si la parole est nécessaire, le témoignage de vie se doit d’être aussi parlant. Le Montmartre est un terrain précieux se conjuguent parole et action. Il permet aussi à ceux et celles qui le fréquentent de repenser leur foi au quotidien tout en s’efforçant, par la grâce de Dieu, de la vivre d’une façon nouvelle. 

4. Le défi de l’identité chrétienne aujourd’hui
C’est surtout en temps de crises et de mutations sociales, politique, économique, historique… que l’Esprit souffle le plus fort et inspire des projets audacieux de réformes des structures et d’engagement apostolique. Il est vrai que les besoins de notre société actuelle sont de divers ordres. L’un de ces besoins les plus urgents se trouve être celui de la visibilité des chrétiens et de leurs implication réelle dans l’évolution du monde d’aujourd’hui. 

Et cela est important car, de nos jours, les chrétiens sont des gens difficiles à identifier. On ne les repère pas forcément même dans la vie sociale ou culturelle et le christianisme lui-même, en tant que forme d’ensemble, n’est pas aisément définissable si du moins l’on veut dépasser les idées reçues ou les slogans faciles.

Malgré cette crise d’identité qui, en réalité diminue notre impact en tant que chrétiens et membres d’une communauté chrétienne ouvertes aux réalités du monde actuel, nous sommes convaincus qu’il est possible de répartir, quand bien même ladite crise semble avoir le dernier mot. Et si le Montmartre tente aujourd’hui de rayonner sa foi et de recouvrer son identité chrétienne et son ouverture au monde, il le doit à son nom qui est évocateur d’une réalité apostolique vivante.

Conclusion
Sans se croire déjà arrivé, le Montmartre poursuit son aventure à la suite du Christ grâce à l’implication active des laïcs et religieux Assomptionnistes. Chemin faisant, il devra s’efforcer de renoncer, en paroles comme en actes, aux sécurités confortables pour retrouver davantage le goût du risque et de l’aventure évangélique. Et cela doit évidemment se faire sans orgueil, car c’est à des humains fragiles, pécheurs et parfois médiocres que Dieu confie la fonction sociale de rappeler, par leur présence, l’urgence de l’essentiel.

Sébastien Bangandu


[1] TALEC Pierre, La sérénité, Paris, éd. du Centurion, 1993, pp. 78-87.
[2]Lire à ce propos ce document suggestif : EGLISE CATHOLIQUE DE QUEBEC, « La charité du Christ nous presse ». Cadre de référence pour les réaménagements pastoraux dans le diocèse de Québec, inédit, septembre 2011.
[3] PAUL VI, Evangelii Nutiandi, 41.

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