samedi 4 juin 2011

Homélie de l'Ascension du Seigneur (A)


Bien chers frères et sœurs
La douleur de la séparation, surtout avec un être cher, ou même avec une chose à laquelle on était très attaché, a toujours été une expérience des plus difficiles à vivre.  La fête de l’Ascension  me rappelle au  souvenir de Raïssa Maritain (dans ‘Les grandes amitiés’), pleurant sur la ville de Paris qu’elle devait quitter, peut-être pour toujours…, de Camara Laye (dans L’Enfant noir : ‘première séparation’ ou encore ‘Sacrifices d’une mère’), de ma propre expérience de religieux pèlerin, à chaque fois qu’à la fin des vacances, je dois dire au revoir à ma mère, à mes frères et sœurs, aux ami(e)s et connaissances… C’est parfois à l’occasion d’un adieu qu’on entend dire de quelqu’un (vivant ou mort): c’était un être merveilleux, talentueux, efficace, plein d’amour, cordial, … Des qualités qu’on avait parfois du mal à lui reconnaître de son vivant !

Du côté des  Apôtres, la douleur de la séparation avec leur Maître se vit autrement : eux aussi supportent mal le départ du Christ dont ils ont partagé, dans une certaine mesure, les horreurs de la passion.  Mais ils s’en remettront vite à cause de la promesse de l’envoi de l’Esprit-Saint, Consolateur : « Au cours d’un repas avec eux, il leur recommanda de ne pas quitter Jérusalem, mais d’y attendre la promesse du Père, celle, dit-il, que vous avez entendue de ma bouche : Jean (le Baptiste) a baptisé dans l’eau, mais vous, c’est dans l’Esprit que vous serez baptisés d’ici quelques jours. » (Ac 1, 4-5). Et grâce à cet Esprit, les Apôtres sont bien équipés pour le combat en cette vie où ils sont désormais obligés de compter sur eux-mêmes!

Quant à nos séparations humaines, elles se fondent également sur des promesses qui parfois aident à adoucir le choc de la séparation : on se promet de garder contact, de téléphoner, d’échanger des courriels, on prend  rendez-vous sur skype et que sais-je encore.  Mais tout cela ne dure pas toujours longtemps, car ce ne sont que des promesses humaines.  Et cela devrait toujours nous rappeler la fugacité de nos relations humaines, surtout quand elles ne se fondent pas sur le Christ, le Roc Eternel.  Mais quoiqu’il en soit, elles nous préparent, d’une façon ou d’une autre, à la rencontre ultime dans l’éternité.

On le remarque bien dans la vie des disciples. Très tôt ils chercheront à réaliser les volontés du Christ : ils se retrouvent déjà à Jérusalem, car c’est là que s’accomplit le dessein de Dieu : là sera donné l’Esprit. C’est donc dans la ville sainte que commence la vie de l’Eglise naissante.  Une Eglise qui se construit dans la continuité d’une communauté qui existe déjà et dont les membres sont bien connus : les Onze.

Et cette communauté ne va pas tarder de s’ouvrir au monde.  Pour preuve, on constate en son sein la présence de quelques femmes, dont Marie, la mère de Jésus et quelques frères, des disciples sans doute. C’est également une communauté qui prie « d’un seul cœur et fidèlement », car elle est en attente de la réalisation des promesses de Dieu.  C’est dire qu’une communauté qui ne prie pas, ou mieux, qui ne trouve pas le temps de se remémorer les promesses du Maître, travaille à sa propre destruction. Surtout si l’on sait, dans certaines de nos traditions, combien les dernières volontés d’un mourant méritent d’être observées…

Remarquons aussi que la communauté des Apôtres est prophétique de par sa constitution diversifiée: Pierre, Jacques, Jean et André étaient des pêcheurs que Jésus a rencontré au bord du lac de Tibériade et qui deviendront ses disciples ; Simon était zélote : il convient de noter qu’à l’époque de la vie terrestre de Jésus, cela ne représentait pas encore un engagement politique, mais c’était quand même déjà un signe de fanatisme religieux ; cela étant, on peut se demander comment Simon pouvait se comprendre avec Matthieu le publicain : c’est-à-dire percepteur, ce qui déjà donnait de lui l’image d’un homme à la remorque de l’occupant romain, interdit de culte…

Mais Jésus, Sagesse Eternelle du Père, réussira à diluer cette mosaïque de personnalités dans un corps qui désormais portera son message de salut jusqu’aux confins du monde.  Chrétiens, c’est-à-dire appartenant au Christ, nous sommes aussi appelés à révéler notre dignité de chrétien jusqu’au jour de la manifestation de notre Seigneur. Souvenons-nous que celui qui nous y invite parle d’expérience : le Christ l’avait un jour réveillé de son sommeil pour aller raffermir la foi de ses frères et sœurs.  

Rappelons-nous également que Pierre est celui qui a renié le Christ, justement parce qu’il craignait de prendre part à ses souffrances.  Mais après la Pentecôte,  plus rien n’a pu l’arrêter dans sa tâche de prédicateur ; aux autorités qui lui interdisaient de parler de Jésus, il répondait simplement « Nous ne pouvons pas taire ce que nous avons vu et entendu » (Actes 4, 20).

 L’Ascension du Seigneur est donc un appel à la prise de conscience de notre responsabilité en l’absence du Christ qui pourtant est toujours présent parmi nous jusqu’à la consommation des temps.   Ne restons pas là à rêver car ce Christ que nous voyons partir reviendra de cette même manière, et cette fois-là,  pour se rendre compte de la mission qu’il nous confie aujourd’hui. Mais cela n’est possible qu’avec l’assistance de l’Esprit-Saint.  Demandons que ce même Esprit souffle au cœur de toute notre vie !

Sébastien Bangandu

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