Bien chers frères et sœurs,
Chacun,
chacune de nous a déjà fait l’expérience
de quitter, de partir pour un ailleurs. Il me semble que c’est l’un des moments
où l’on ressent le plus qu’on est des êtres de passage, des pèlerins. Même le
Christ, qui est pourtant éternel, avait expérimenté le poids de ce passage.
Mais en quittant, si l’on a vraiment aimé ses frères et sœurs, il reste
toujours quelque chose du vécu qu’on a eu à partager. Voilà pourquoi en passant
de ce monde à son Père, Jésus invite ses disciples à ne pas oublier ses
paroles.
On
le sait, la mémoire de l’humain est courte. Il oublie si vite même ce qu’il a
mis du temps à apprendre. Pour Jésus, si on a vraiment aimé, on ne peut ne pas
se souvenir. Car le souvenir, comme le disait Georges Sand, est le parfum de
l’âme : « Si vous m’aimiez, vous resterez fidèles à mes
commandements ». Il en est de même de celui qui part. Il ne cesse de se
souvenir et prend soin de garder contact : « Moi, je prierai le Père
(pour vous) ». Mais Jésus veut aller plus loin. Il ne se contente pas de
garder contact avec les siens et de prier pour eux. Bien plus, il veut
perpétuer sa présence au milieu d’eux : « …Il vous donnera un autre
Défenseur qui sera pour toujours avec vous » !
Ces
paroles d’espérance nous rappellent la situation d’étouffement, d’enferment qui
était celle des Apôtres demeurés longtemps terrés, retranchés dans la maison.
Transis de peur dans la crainte de ce qui pouvait leur arriver à tout moment,
figés d'effroi dans la conscience aiguë de leur propre fragilité, ils avaient
cessé d'espérer. C’est également la situation de l’église après la passion et
la mort de Jésus. Or comme l’a si bien dit le pape François, « une église
qui s’enferme finit par sentir l’enfermé ». Ainsi, la pentecôte que nous célébrons aujourd’hui est une fête décisive
pour la continuité de la mission de l’église dans le monde.
Comme
l’indique le livre des Actes des Apôtres, la nouveauté réalisée par le don de
l'Esprit est plurielle. D'abord, elle suggère que Dieu nous est désormais
intérieur. Dès lors, inutile d'aller le chercher ailleurs, nous sommes devenus
son Temple. De toute évidence, il devient notre souffle, l'énergie qui nous
anime et qui galvanise notre existence quotidienne. En tant que souffle, l'Esprit
est mobile, mobilité de Dieu. Nous bousculant de l’intérieur, l'Esprit nous
déplace, nous fait sortir de nous-mêmes pour que nous allions vers les autres
et vivions dans l’unité.
En
répondant avec audace à cette présence d’amour désormais plus que présente au
milieu de nous, nous participons activement à cette communication divine, à cet
échange véritablement sublime où la parole est créatrice. En effet, la parole
est bien l'instrument de l'échange, de la communication. Elle nous rappelle que
l'Esprit parle, et fait parler. Il est le souffle qui porte la parole. Et les
paroles qu'il fait dire sont celles que Jésus, la Parole faite chair, a
données à ses disciples. Et c’est quand cette parole nous habite que le Père,
le Fils et l’Esprit viennent enfin demeurer auprès de nous.
Finalement, la venue de l’Esprit Saint nous met en
marche. J’aime cette définition de la vie chrétienne par le bibliste-poète Jean
Debruynne, prêtre de la
Mission de France. Dans son livre L’Evangile du poète,
il soutient que la vie chrétienne n’est pas un fauteuil, un lieu où l’on
s’installe ; mais un lieu de « transit » (Stanislas
Breton). Car le Dieu chrétien est un « Dieu de passage », de
l’Exode. La vie spirituelle, c’est l’Exode, le voyage. Le chercheur de Dieu est
forcément un marcheur, un homme en chemin. Là où il y a un chrétien, il y a une
tente provisoire. Il faut un bâton, une valise… « Il faut passer »
(Maître Eckhart) ! Cet impératif dit l’homme en route sur le chemin de la
foi, une itinérance. En passant de ce monde au Père, le Christ nous envoie son
Esprit enfin que nous devenions, comme lui, des passeurs de Dieu au cœur
du monde, par la force du même Esprit.
Sébastien Bangandu, aa
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