vendredi 14 octobre 2011

Homélie du 29e dimanche ordinaire A : César est-il l'égal de Dieu?

Bien chers frères et sœurs
L’évangile de ce jour nous met en présence d’un Jésus-Christ acculé par deux catégories d’adversaires qui, curieusement, sont aussi opposés entre eux : les partisans de César et les Pharisiens. Mais comme Jésus se trouve être leur ennemi commun, ils se liguent contre Lui pour le coincer, au travers d’une question piège : « Est-il permis, oui ou non de payer l'impôt à l’empereur ? » Ce piège est une pure machination car, s'il répond oui, il est de facto discrédité aux yeux du peuple qui souffre de la domination de l'occupant romain; s'il répond non, il sera qualifié de fauteur de troubles et se fera arrêter. Dans tous les cas, il sera condamnable. 

Mais comme à son habitude, Jésus se refuse à répondre à des questions simplistes. Il aime plutôt relever le débat. Bien plus, étant donné que le piège dans lequel ils s’efforcent de le faire tomber consiste à présenter une alternative entre Dieu et César, Jésus doit pouvoir mettre les choses au clair. Car lui proposer une telle alternative revient à mettre Dieu et César sur un plan d’égalité. Or, pour Jésus, il n’y a pas de commune mesure entre Dieu et César. A l’un il convient de rendre la monnaie qui lui appartient, à l’Autre la gloire et le culte qu’Il est le seul à pouvoir revendiquer. En d’autres termes, le pouvoir de César ne peut entrer en concurrence avec la divinité de Dieu et ne prend de valeur qu’à condition de se démarquer radicalement de toute prétention à l’autorité suprême qui lui est d’avance déniée.

Ce faisant, Jésus procède à une radicale démystification du pouvoir (politique) qu’il ramène sur terre. Pour Jésus donc, Dieu est le seul à régner au-dessus de toutes choses. Dès lors, il est hors de question de le comparer à qui que ce soit, parce que personne n'est comme Lui, autant dans son être que dans ses œuvres. On le voit, il s’agit de poser la distinction bien nette qui existe entre le domaine de Dieu et le domaine du pouvoir civil, ainsi que le principe de morale qui règle leurs rapports. De cette distinction, il ressort que la fidélité aux choses de Dieu, tout en primant sur tout, se concilie bien avec les devoirs envers la société civile. Tant que le pouvoir humain s’exerce pour le bien des sujets et sans s’insurger contre la loi divine, il a plein droit à l’obéissance. 

Et puisque Dieu est la source de toute autorité (Rm 13, 1-7), se soumettre au pouvoir terrestre c’est encore se soumettre à Lui. Ceci dit, toute forme de théocratie et tout impérialisme totalitaire et idolâtré sont récusés d'avance. Le pouvoir n’est qu’humain, et en tant que tel, il doit être désacralisé et remis à sa juste place. Ainsi, le citoyen est obligé en conscience de ne pas suivre les prescriptions des autorités civiles lorsque ces dernières sont contraires aux exigences de l’ordre moral, aux droits fondamentaux des personnes ou aux enseignements de l’Évangile. Le refus d’obéissance aux autorités civiles, lorsque leurs exigences sont contraires à celles de la conscience droite, trouve sa justification dans la distinction entre le service de Dieu et le service de la communauté politique. 

Par ailleurs, il sied également de souligner la dimension de la vocation étatique, qui est d’avoir le privilège, mais aussi le monopole de battre monnaie. Celle-ci est en même temps le lieu où s'exercer sa fonction économique fondamentale, du fait qu’elle lui offre la possibilité de faire fonctionner efficacement la chose publique, à partir des impôts perçus sur les revenues des citoyens. Cette légitimation de la fonction économique de l’état se doit de réguler l’économie de façon à promouvoir les meilleurs équilibres sociaux, en fonction même des règles de justice dont Dieu est le garant. 

De cette façon, le pouvoir de César (politique) serait honoré, non pas comme idolâtré, se rendant le culte des biens qu’il s’octroie, mais plutôt comme un pouvoir qui fait recouvrer son humanité à l’humain, puisqu’il a été crée à l’image et à la ressemblance de Dieu. Rendre à Dieu ce qui est à Dieu… pourrait dès lors trouver une traduction sociopolitique dont le symbole essentiel serait de servir celui que Dieu a établi comme gérant de l’humanité (cf. Gn 1, 26). Certes, rendons à César ce qui lui appartient, mais avant tout, rendons à Dieu ce qui lui revient, tout en mesurant bien la différence qui existe entre la matériel et le spirituel, entre ce qui est terrestre et ce qui est céleste, entre ce qui est passager et ce qui demeure pour toujours.  Seigneur, fais de toutes nos activités une occasion de pouvoir faire advenir ton Règne !

Sébastien Bangandu


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